Le guide des cravates et pochettes

Le guide des cravates et pochettes

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Curiosité des curiosités, la cravate accompagne les hommes depuis des siècles sans utilité apparente. Elle ne tient pas chaud, n’est pas particulièrement pratique, ne protège de rien sinon des courants d’air ; et ce n’est certainement pas pour leur confort que ces messieurs la nouent inlassablement. Incongruité stylistique s’il en est, elle s’affirme comme le seul accessoire du vestiaire exposé pour lui-même, exclusivement valorisé pour sa puissance esthétique. Ne vous déplaise, un morceau d’étoffe rendu indispensable par sa superfluité méritait bien le guide que voici.

 

 

Fille des jabots et petite-fille des fraises

 

Si l’on peut associer son histoire à l’antique Empire de Chine ou au focalium romain, c’est au 17ème siècle que semblent remonter les racines de la cravate moderne. À l’époque, ce qui n’est encore qu’une écharpe s’affiche au cou des hussards croates mobilisés par Louis XIII pour épauler ses troupes lors de la Guerre de Trente Ans.

 

 

Costume de hussard croate, 1630. Crédit : Par Modzzak, travail personnel, domaine public

 

 

Au combat, ces derniers se distinguent par leur bravoure, ce qui leur vaudra les honneurs de Louis XIV à son accession au trône. En 1667, ce dernier réunit en effet les forces restantes pour édifier un régiment de cavalerie légère, auquel il donne le nom de Royal-Cravates (par déformation du mot « croate »). Esthète aussi bien que stratège, le Roi-Soleil en profite pour adopter personnellement la bande de tissu de ses cavaliers. Quelques années plus tard, il ira même jusqu’à créer la fonction de cravatier, écuyer dépendant du « Grand Maître de la Garde Robe ». Son rôle ? Choisir et ajuster la cravate du monarque. Un métier pour le moins stressant, si vous voulez notre avis.

 

 

Louis XIV aimait à ce point la cravate qu’il posa avec elle pour en être affublé sur les écus de l’époque (1681).

 

 

Souple, légère et délicate, celle-ci remplace peu à peu le jabot de dentelle à la Cour, lequel avait lui-même supplanté l’imposante et inconfortable fraise un peu plus tôt. Bande de coton et/ou lin, généralement agrémentée de rubans colorés, elle se noue alors autour du cou pour laisser deux pans suspendus de part et d’autre.

 

 

Louis XIV lors de l'établissement de l'Académie des sciences et la fondation de l'Observatoire, par Charles le Brun et Henri Testelin, 1673-1681.

 

 

Au fil du temps, la manière de nouer ce morceau d’étoffe évolua tant et bien qu’un certain Baron Émile de l’Empesé (nom de plume du feuilletoniste Émile Marco de Saint-Hilaire) publia en 1827 son « Art de mettre sa cravate de toutes les manières connues et usitées, enseigné et démontré en 16 leçons ».

 

 

 

 

Cette anthologie recensait alors 32 nœuds différents, dont une poignée seulement demeurent aujourd’hui. Et pour cause, la sophistication (et complication) des nœuds d’époque céda peu à peu du terrain au « régate », lequel constitue véritablement l’ancêtre de ceux que nous connaissons aujourd’hui. Emprunté au monde du sport et apprécié pour sa sobriété et la simplicité de sa réalisation, il n’a cessé de gagner du terrain depuis le milieu du 19ème siècle, jusqu'à s’imposer comme la référence contemporaine absolue.

 

 

Publicité du Bon Marché, début XXème siècle

 

 

La confection des cravates Hast

 

Berceau historique de la soie devenue capitale de la cravate, la Lombardie a su accompagner l’évolution de cet accessoire pas si accessoire pour moderniser ses pratiques tout en entretenant des savoir-faire séculaires. Prenant en marche le train de l’industrialisation sans abandonner son riche héritage artisanal, la région de Côme (en Italie) s’est ainsi imposée comme l’une des plus expertes en matière de confection, raison pour laquelle nous avons choisi d’y faire monter les nôtres.

 

 

 

 

Sans surprise, ses artisans maîtrisent à la perfection les deux grands procédés de fabrication qui coexistent aujourd’hui : l’assemblage et le pliage.

 

L’assemblage, d’abord, est le plus simple et le plus répandu sur le marché. La plupart des cravates Hast sont confectionnées selon cette méthode qui consiste à envelopper une triplure entre un tissu d’habillage (la face visible) et une doublure (la face corps). Aussi appelées « cravate 3 plis », ces dernières sont souples et dépouillées, idéales pour couronner vos tenues les plus habillées.

 

Le pliage, de son côté, est une technique plus traditionnelle qui permet de réaliser une cravate à partir d’un seul morceau de tissu. Pas de triplure dans ce cas, puisque c’est le pliage de l’étoffe sur elle-même qui lui offrira sa structure et sa tenue. Plus coûteux en matière, plus délicat et le plus souvent réalisé à la main, ce procédé est d’autant plus cher et minutieux qu’il compte de plis : 5, 7 voire 9 si vous êtes prêt à débourser plusieurs centaines d’euros pour une cravate. Chez Hast, nous nous sommes arrêtés à 5 plis pour élaborer notre cravate anniversaire à l’occasion de nos 10 ans, ce qui nous semble largement suffisant pour s’offrir un supplément de sophistication sans tomber dans la démesure.

 

 

Des cravates qui tiennent la forme

 

Si la cravate s’apparente à une simple bande d’étoffe nouée autour du cou, son histoire nous montre à quel point celle-ci a changé de forme au fil du temps. Si elle nous paraît stable depuis un siècle, c’est en partie grâce à un certain Jesse Langsdorf, fabricant new-yorkais qui déposa en 1923 un brevet sobrement titré « Necktie », aujourd’hui considéré comme l’acte de naissance de la cravate moderne avec sa fameuse pointe.

 

 

 

 

Sur le marché comme dans notre vestiaire, ce modèle prédomine largement et reste à la fois le plus commun et le plus universellement admis (notamment dans le cadre professionnel). Malgré des variantes plus ou moins réussies - très larges dans les années 70 et très fines dans les années 2000 - la largeur moyenne des cravates tend à se stabiliser autour des 6 à 8 cm. Ce sont en tout cas les proportions pour lesquelles nous avons opté chez Hast, les considérant comme les plus harmonieuses et équilibrées.

 

Ceci étant dit, il en est une irréductible qui résiste encore et toujours à l’hégémonie de sa consœur, et c’est la cravate à bout carré. Plus texturée et généralement tricotée, elle affiche un relief perlé qui évoque davantage l’esprit rebelle que le décorum. Historiquement associée aux classes populaires, lesquelles les tricotaient à domicile pour s’approprier les codes d’un monde où la qualité d’un homme se mesurait à celle de sa cravate, elle prit ses accents insoumis au cou des étudiants de l’Ivy League puis à celui des mods anglais. Plus moderne et moins formelle que la « Langsdorf », la cravate à bout carré constitue ainsi une alternative de choix pour ceux qui veulent entrer dans cet univers par une porte moins intimidante (mais non moins élégante) que celle de la cravaterie classique.

 

 

Des cravates hautes en couleur (ou pas)

 

Autres paramètres sur lesquels il est possible de jouer pour placer une cravate - et une tenue - dans tel ou tel registre : les couleurs et les motifs.

 

Si la cravate sombre et unie régnait en maîtresse sur la plupart des dress codes formels, la décontraction croissante des usages a en effet rebattu les cartes ces dernières décennies. Autrefois crispée, elle se libère aujourd’hui des carcans de l’étiquette pour partir à la conquête de nouveaux territoires d’expression.

 

Chez Hast, il nous semblait important d’étancher cette soif de liberté, et nous en voulons pour preuve la riche palette chromatique que nous lui avons ouverte. Aux côtés des classiques sombres, vous trouverez ainsi de belles nuances de rouge, de vert et de bleu, toutes prêtes à rayonner où leurs aïeules brillaient par leur réserve.

 

 

 

 

Surtout, les motifs opèrent un retour en force remarqué, manifestation d’une volonté de désinhiber un accessoire très chargé symboliquement. Des pois les plus subtils aux fleurs les plus osées en passant par un Prince de Galles ton sur ton ou un hommage aux rayures club, nous les avons largement mis à l’honneur dans nos collections, et ce rien que pour vous.

 

 

L’art et la matière

 

Inutile d’en faire mystère : la matière d’une cravate fait presque toute sa physionomie. Parce qu’elle détermine la façon dont elle sera travaillée et dont elle prendra la lumière, il convient de choisir celle-ci avec le plus grand soin en fonction du résultat attendu.

 

Chez Hast, telles sont celles qui nous ont fait chavirer :

 

  • l’incontournable soie : matière naturelle intimement liée aux accessoires de mode, la soie se repère facilement à son aspect brillant et satiné. Noble et élégante, celle-ci habille généralement des cravates à pointe formelles, pensées pour escorter un complet deux ou trois pièces. Travaillée en grenadine ou en maille, la soie affiche une texture plus affirmée, dansant entre l’élégance formelle et le casual chic.

 

 

 

  • la laine : contrairement à la grenadine qui est tissée, nos cravates 100% laine sont tricotées. Comparables par leur apparence perlée, les cravates en maille de laine ont une structure plus grumeleuse, qui les attirent inévitablement vers un registre décontracté.

 

 

Le nœud du problème

 

Ah, les premiers nœuds de cravate ! Entre le rite de passage et l’entrée officieuse à l’âge adulte, ils marquent inévitablement la fin d’une époque et le début d’une autre. Souvent associés aux premiers entretiens d’embauche, aux premiers emplois et/ou aux premières cérémonies, ils représentent bien davantage qu’un exercice d’adresse et d’habileté. Et pour cause, on ne noue pas sa cravate comme on lace ses souliers, raison pour laquelle les premiers tours de nœud se pratiquent d’ordinaire avec un papa, un grand frère… ou face à un tuto en solitaire.

 

Par chance (ou pas), la plupart des techniques tarabiscotées ont disparu au profit de la plus simple d’entre elles : le nœud simple, ou « four in hand ».

 

 

Crédits : Bows n ties

 

 

Chez Hast, c’est de cette façon que nous nouons nos créations, appréciant particulièrement son intemporalité, sa polyvalence et son minimalisme. Si Émile Marco de Saint-Hilaire en recensait 32 dans son ouvrage de 1827, force est de reconnaître que peu d’entre eux sauraient aujourd’hui s’arborer sans attirer les railleries.

 

 

Crédits : Émile Marco de Saint-Hilaire (dit Émile de l’Empesé), L'Art de mettre sa cravate de mille et une manières.

 

 

Porter une cravate en 2024

 

Évanouie, l’époque où la cravate était partie intégrante d’un uniforme quasi-caricatural. À notre humble avis, elle s’apparente aujourd’hui à un accessoire à part entière, dont le port trahit moins une position sociale qu’une déclaration de style. Adieu la rigidité du « costard-cravate », bonjour l’inventivité et la liberté créative. En jouant sur la forme, la matière, la couleur et les motifs, il est possible de lui faire dire tout et son contraire, pour le plus grand plaisir de nos vestiaires.

 

 

 

 

Si son union avec le costume paraît intouchable (et tant mieux), il est parfaitement envisageable de l’intégrer à des tenues moins formelles, sinon à des looks absolument décontractés. Inséparable de la chemise, on peut aussi bien l’imaginer avec un perfecto en cuir qu’avec une veste de travail ou un blouson, ce qui offre des possibilités historiquement larges.

 

Si vous nous permettez un petit conseil, en voici un qui n’a jamais été si actuel depuis Louis XIII : faites-vous plaisir. Dépoussiérée, décomplexée, débarrassée d’une bonne partie de son imaginaire strict et froid, la cravate est plus que jamais à considérer comme un jouet, à porter partout et sans modération.

 

 

La pochette, petit plaisir innocent

 

D’un mot, évoquons désormais le cas d’un accessoire intimement lié à la cravate, nous avons nommé « la pochette ». Depuis son habitat naturel qu’est la poche poitrine de la veste de costume, elle apporte une note de raffinement où se mêlent harmonieusement délicatesse et fonctionnalité. Aussi appelée « mouchoir de poche », son destin s’apparente à celui de la cravate dans la mesure où elle est le plus souvent travaillée dans la même matière, de façon à les assortir.

 

 

 

 

Bien qu’elle se décline de différentes manières (coloris, motifs et matières) pour s’adapter à toutes les occasions, la pochette ne peut véritablement vivre hors d’une veste de costume, ce qui en limite le potentiel et l’utilisation. En revanche, son usage dans un registre habillé est d’une élégance rare, et plus encore quand elle fait écho à une cravate de même acabit.

 

Pour vous en assurer, les pochettes Hast sont travaillées à la main par les mêmes artisans qui façonnent nos cravates. Depuis leurs ateliers sur les rives du lac de Côme, ils préparent ensemble ces deux parangons de finesse, ce qui laisse présager des associations absolument sublimes.

 

 

Un mot sur l’entretien

 

Du fait de leur délicatesse, de la finesse de leur confection et des matières utilisées, il est préférable de confier le lavage de vos cravates et pochettes au pressing. Un nettoyage à sec de temps à autre leur fera le plus grand bien et favorisera leur durabilité, étant entendu qu’un passage en machine pourrait leur être fatal.

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