La culture du lin en France : rencontre avec Hubert Brisset, dirigeant d’Opalin

La culture du lin en France : rencontre avec Hubert Brisset, dirigeant d’Opalin

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À quelques minutes de route de la gare d’Arras, dans le Pas-de-Calais se trouve une coopérative de teillage de lin appelée Opalin. Depuis 1988, cette coopérative a permis d’ouvrir des débouchés nouveaux à la production de lin locale. Aujourd’hui, Opalin rassemble plus de 200 agriculteurs adhérents. L’équipe Hast leur a rendu visite afin de mieux comprendre les premières étapes de la production du lin, cette fibre qui nous tient tant à cœur. Teillage, rouissage, peignage, le lin passe par de nombreuses étapes avant de se transformer en une belle et résistante chemise. Ici, nous rencontrons donc Hubert Brisset, dirigeant depuis 1993, d’Opalin.

Pourquoi le lin pousse t-il dans cette région en particulier ?

La culture du lin a lieu essentiellement dans l’ouest de l’Europe, c’est-à-dire de toute la zone de la bordure maritime sur la Manche, du Calvados, aux Pays-Bas en passant par la Normandie et les Haut-de-France.

Le lin est cultivé dans cette région pour deux raisons principales : d’abord pour la végétation, puis pour les écarts faibles de températures entre le jour et la nuit. Cette stabilité permet au lin de croître de manière régulière jusqu’à la période de récolte en juin. Pour cultiver du lin de qualité, il faut des terres riches avec de l’humidité et des températures douces et tempérées.

 

Où se fait la production de lin mondialement ?

Cette bordure maritime de la Manche, de Caen à Amsterdam, produit 80% de la production mondiale de lin. La France, c’est 80% de ces 80%, ce qui est énorme. C’est une culture ancrée dans le territoire depuis des générations. Pour des raisons climatiques, mais aussi car nous avons les outils de transformation adaptés. Au teillage, il faut régler les machines et trier les matières pour avoir des lots très homogènes. Le reste de la production mondiale se répartit entre la Biélorussie et l’Egypte. En Biélorussie, en raison du climat, les semences sont faites plus tard qu’ici et produisent donc des fibres plus courtes. Le rouissage est plus court et les matières sont d’un peu moins bonne qualité.

Il existe en Egypte un vrai savoir-faire, c’est le berceau du lin. Il y a 30 000 ans, on trouvait déjà du lin dans les tombeaux des Egyptiens. Cependant, les Egyptiens sont limités en surface de production car ils doivent aussi produire pour nourrir la population. Et comme il fait très sec, ils doivent faire du rouissage à l’eau. C'est-à-dire tremper les plantes dans le Nil, ensuite ils ressortent les fibres de l’eau et les font sécher comme ça. Ils peuvent alors faire le teillage.

Une parcelle ne peut être ensemencée en lin que tous les sept ans. C’est pour ça qu’on ne cultive pas que du lin mais que l’on doit alterner les cultures. On plante par exemple des céréales, pour revenir au lin qu’au bout de sept ans. Sinon la terre se fatiguerait.

 

Qu’est-ce que le rouissage et combien de temps dure cette étape ?

Pour soigner votre look, avant de réfléchir aux couleurs, faites le choix de pièces légères mais toujours dans des matières de qualité, qui gardent de la tenue tout au long de la journée. Rien de pire qu’une veste trop ajustée ou une chemise dans un mauvais coton - et dans laquelle transpirer aux premiers pas de danse.

Le rouissage commence par l’arrachage la première quinzaine de juillet. On arrache la totalité de la plante, car la fibre descend jusqu’à la racine de la plante. Il faut ensuite paralléliser les tiges sur le sol afin qu’elles sèchent correctement. Il faut donc du vent et du soleil au départ puis une période orageuse avec un peu de brume pour permettre le début du rouissage.

Il est donc en réalité assez difficile d’estimer la durée réelle de cette étape. Quand on a terminé un côté, il faut que les tiges sèchent de nouveau pour pouvoir retourner les fibres et faire la deuxième face. Il faut donc ensuite logiquement une deuxième période d’humidité, puis que tout sèche de nouveau. On enroule ensuite les fibres pour créer une nappe de lin. Une fois que tout est conditionné et sec, on peut conserver ces nappes pendant des années. Par contre, si tout est rentré humide, la pourriture aura abîmé les fibres. Il y a donc un équilibre subtil à trouver. Toutes ces premières étapes se passent donc dans le champ.

 

Comment s’organisent ces premières étapes de production du lin ?

Un lot équivaut pour nous à une parcelle. Plusieurs lots sont conditionnés en balles de paille. Les agriculteurs stockent leurs balles jusqu’à ce qu’on les appelle pour qu’ils viennent nous les livrer. Ils apportent ensuite les lots complets à l’usine. On garde des lots homogènes pour que le client puisse régler sa machine. Nous sommes organisés en coopérative, c’est-à-dire que l’entreprise est gérée par ses adhérents, avec un conseil d’administration. Ce conseil élit un président. On confie alors la marche à une équipe dirigeante avec un directeur et une équipe de salariés qui font tourner l’usine. Le teillage est l’étape, dans l’usine dans laquelle on traite de manière mécanique des nappes de lin. On enlève les capsules pour récupérer les graines, puis on les broie. Vient ensuite l’étape du nettoyage.

 

 

Donc c’est ici que vous préparez le lin pour différents usages ensuite ?

Oui effectivement, on fait le “cracking” (craquement) du lin, c’est-à-dire qu’on le prépare pour d’autres industries. Les fibres longues partent principalement pour le textile, soit dans l’habillement, soit dans l’ameublement. Elles sont de la longueur d’une fibre de coton ou de laine. On peut faire beaucoup de mélanges avec du lin. Les fibres peuvent aussi être utilisées pour faire de l’isolant dans le bâtiment, en les mélangeant avec du bois par exemple. On peut aussi en faire du papier très fin, comme du papier de cigarette. Autre anecdote, il y a dans le dollar américain de la fibre de lin !

On utilise toutes les parties de la plante. Les graines sont utilisées pour faire de la semance ou de l’huile de lin pour les peintures. Donc pour résumer : 20 à 25% sont des fibres longues, 20% sont des fibres courtes, 4 à 10% sont des graines, il reste ensuite les anas, c’est-à-dire la partie ligneuse de la plante, qui peut servir à faire des panneaux d’aggloméré par exemple. Il nous reste un peu de terre, qui est filtrée et récupérée puis remise dans les champs. Toute la plante est donc utilisée, sans aucune perte !

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