Au royaume des tissus mythiques, le denim et le chambray sont rois. Pour Hast, dont la quête des matières les plus nobles perdure depuis 2012, ces deux étoffes comptent parmi les plus riches qui soient. Souvent amalgamées du fait de leur allure, elles ont pourtant des histoires et des caractéristiques propres. Aujourd’hui, nous vous proposons un article en forme d’hommage, à la gloire de ces armures imperméables au passage du temps.
Avec toutes les précautions qui s’imposent, il nous paraît raisonnable de voir dans le chambray et le denim deux descendants de la « futaine » médiévale. Au Moyen Âge, cette étoffe de type toile ou sergé mobilise généralement une chaîne de coton et une trame de lin, laine ou soie. Du reste, c’est précisément ce qui distinguera par la suite les deux tissus iconiques auxquels nous nous intéressons.
Avant d’aller plus loin, un petit rappel d’ordre technique s’impose.
Pour fabriquer un tissu, il faut entrecroiser des fils horizontaux (trame) et verticaux (chaîne). Pour ce faire, trois grandes techniques cohabitent, lesquelles lui offrent des propriétés différentes :
Crédits : Louise Magazine
En association avec la matière première et le diamètre des fils utilisés, ces différentes techniques ont une influence sur l’ouverture, la densité, la souplesse et la résistance du tissu.
Pour en revenir au chambray et au denim, telle est la différence fondamentale entre ces deux étoffes si fréquemment confondues : le premier est une toile tandis que le second est une serge.
Tirant son nom de la commune française de Cambrai (dans nos actuels Hauts-de-France) où il fût inventé au cours du 16ème siècle, le chambray est une armure toile historiquement tissée avec des fils de lin. Fine et luxueuse, la « batiste » - pour l’appeler par son nom d’époque - sert déjà à fabriquer des chemises, mais aussi des sous-vêtements. Au siècle suivant, l’empire britannique importe massivement du coton indien, matériau plus doux et moins onéreux. Travaillé en coton, le « scotch chambric » d’outre-Manche concurrence alors le « French cambric » tout de lin vêtu. Trop cher, le second disparaîtra peu à peu et laissera à son homologue anglais le monopole du chambray. Aux États-Unis, ce tissu léger et robuste séduit rapidement les paysans et la classe ouvrière. Ouvragée avec une chaîne indigo et une trame écrue, sa couleur bleutée inspirera le terme de « cols bleus » pour désigner les travailleurs manuels, par opposition aux cols blancs. Au fil du temps, le chambray escortera ainsi les cow-boys, les marins de l’US Navy, les vedettes du cinéma et les amoureux de belles matières.
Plus récent sans être de première jeunesse, le denim est un tissu sergé dont l’origine anime fréquemment les débats. Certains l'associent à la « serge de Nîmes », étoffe travaillée en laine et soie dans le Languedoc au 18ème siècle, et dont l’appellation déformée aurait donné « denim ». D’autres voient plutôt une filiation remontant aux grandes heures de l’export italien. Avant que l’Empire britannique n’inonde le marché de coton indien, c’est en effet le port de Gênes qui fournissait les principales cités européennes en futaines de coton, laine et lin mélangés. Dans les registres du port de Londres, une déformation du nom de cette ville ligurienne aurait ainsi offert à l’histoire le mot « jean ». Le denim, quant à lui, serait une émanation de ces futaines de Gênes, travaillées en serge de coton dans un souci d’économie et de diversification. Comme chacun sait, c’est aux États-Unis que le denim connaîtra ensuite son heure de gloire : dès l'implantation de l'industrie du coton à la fin du 18ème siècle, le denim fait partie des premiers tissus fabriqués à grande échelle. L’idée de teindre la chaîne à l’indigo pour lui offrir sa célèbre teinte bleue, couplée aux différentes innovations d’un certain Levi Strauss, parachèveront son entrée au panthéon des tissus légendaires.
Fréquemment confondus, le chambray et le denim ont en effet nombre de points communs : inventés en Europe occidentale, ils ont traversé les siècles (et l’Atlantique) avant de conquérir le monde grâce à des propriétés uniques, une polyvalence absolue, une texture singulière et une couleur reconnaissable entre mille.
Pourtant, leurs différences parlent d’elles-mêmes et en font des tissus plus complémentaires que semblables. De fait, le denim est une serge consistante et rustique, davantage adaptée aux pantalons, vestes et chemises épaisses. De son côté, la finesse et la souplesse du chambray s’épanouit beaucoup mieux sur une chemise.
Capitalisant sur leurs caractéristiques respectives, nous avons évidemment pris soin de solliciter ces matières dans les registres adéquats en pensant nos collections. Par suite, vous retrouverez sur nos portants :
De prime abord, apprivoiser des étoffes vieilles d’un demi-millénaire peut être assez intimidant. Pourtant, vous verrez rapidement qu’elles ne demandent qu’à sublimer la moindre de vos tenues, et ce quel qu’en soit le registre. Vous vous en doutez probablement, ce n’est pas pour rien si elles ont séduit presque tous les corps de métier sur tous les continents ces cinq derniers siècles : du clergé aux militaires en passant par les chercheurs d’or, les ouvriers, les cow-boys, les artisans, les artistes ou les designers, leur polyvalence n’est plus à démontrer.
Le denim et le chambray sont comme ça : ils se portent de la tête aux pieds, ensemble ou séparément, dans un total look ou pour créer la rupture dans une tenue habillée, à la Gainsbourg… ou à la Hast.
Et maintenant, c’est à vous de jouer.