Après la fast-fashion, le phénomène de l’ultra fast-fashion

Après la fast-fashion, le phénomène de l’ultra fast-fashion

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Alors que nous entrons une fois encore dans la trop-traditionnelle période des soldes, il nous semble important d’aborder un autre sujet, certes différent mais lié : celui des nouvelles marques qualifiées « d’ultra fast-fashion ». Ces marques ont la particularité d’attirer leurs jeunes clients en proposant des promotions constantes sur leurs sites. Une technique commerciale bien peu consciente des problématiques environnementales de la mode, et qui cache un fonctionnement pour le moins douteux. Elles prennent en effet une place grandissante sur le marché de la mode jetable en usant des pratiques longtemps attribuées aux marques de fast-fashion traditionnelles. Paraissant ne guère se soucier des législations internationales – trop peu présentes – ces marques atteignent des records en termes de surconsommation. Aujourd’hui, il nous semble important de nous attarder sur ces principes commerciaux afin de comprendre en quoi ils sont un danger pour les entreprises qui, comme Hast, travaillent pour une mode plus qualitative et durable. Notre objectif ? Vous informer pour vous permettre d'acheter moins et mieux !

Nous commencerons par analyser rapidement le début de la fast-fashion traditionnelle pour comprendre en quoi ces marques poussent les techniques encore plus loin.

L’héritage de la fast-fashion traditionnelle

Difficile d’aborder ces nouvelles multinationales sans se pencher sur le début de la fast-fashion dite traditionnelle. Cette mode rapide en français ou encore mode jetable, catégorise une partie de l’industrie de la mode se basant sur le renouvellement constant des collections, de produits réalisés rapidement, dans des tissus de faibles qualités et vendus peu chers. Pour bien comprendre le début et l’apparition de ces géants de l’industrie, qui se partagent aujourd’hui une grande partie du marché, il faut revenir à celui qui l’a inventé : Amancio Ortega. Vous n’êtes peut-être pas familier avec son nom mais vous connaissez très certainement sa plus grande réalisation : la construction de l’empire Inditex, groupe possédant, notamment, Zara. À bien des égards, Amancio Ortega est un génie du marketing. Dans l’Espagne en pleine reconstruction et meurtrie par la guerre civile, Ortega travaille avec sa famille dans le secteur textile et la confection dans la région pauvre de la Galice. Il cerne rapidement les possibilités de production dans la région et base son business model sur un principe qui reste aujourd’hui encore celui des marques de fast-fashion : la reproduction rapide et à grande échelle des modèles ayant fonctionné dans le prêt-à-porter.

Le principe est le suivant : les responsables des magasins remontent le plus rapidement possible les analyses de ventes, permettant au siège de comprendre quelles pièces fonctionnent le mieux et d’adapter la production en conséquence. Les modèles à succès sont déclinés dans différentes couleurs. Petit à petit, la recherche des coûts faibles et le développement de fibres synthétiques entraînent le passage de matières comme la soie ou le coton vers le polyester ou plus tard, la viscose. Plus les coûts baissent, plus les marges, elles, augmentent. Le groupe espagnol a donc posé les bases de la fast-fashion actuelle.

Une mode de la copie, qui produit en masse en analysant finement les ventes.

Des équipes de designers spécialisés se rendent sur les défilés et définissent les modèles qui vont pouvoir être reproduits en qualité moindre. Les productions s’envolent rapidement pour l’Asie, les marques deviennent des machines multinationales et révolutionnent le monde de l’habillement.

La fast-fashion est régulièrement critiquée pour le peu de considération que cette méthode de production accorde aux conditions de travail et à l’impact environnemental des matières choisies (utilisation massive de textiles comme le polyester – on le rappelle, il s’agit d’une matière artificielle synthétique dérivée du pétrole, extrêmement polluante pour l’environnement). Depuis plusieurs années dans les pays occidentaux, nombre de marques tentent d’alerter sur les dérives de l’industrie de la mode, et surtout, sur les dangers d’une production « à outrance » de pièces rendues inutiles. Les marques de fast-fashion traditionnelles sont aujourd’hui encadrées par des lois et tentent d’améliorer leurs méthodes, et c'est tant mieux. Mais la dernière décennie a vu apparaître de nouvelles venues poussant les pratiques de la fast-fashion encore plus loin. C’est l’ultra fast-fashion.

L’ultra fast-fashion ou le paroxysme de la consommation de masse

La fast-fashion et ces grands représentants tentent aujourd’hui de faire face aux critiques et d’améliorer leur business model. Et alors que consommateurs et professionnels sont de plus en plus conscients des dérives de l’industrie, des marques nées sur internet comme Shein ou Boohoo poussent ces pratiques jusqu’au-boutistes encore plus loin. Le principe pour attirer les clients : les promotions constantes. Alors que les soldes et promotions sont un moyen pour les marques dites « traditionnelles » d’écouler leurs stocks d’invendus, le principe de promotions constantes est en réalité contraire à l’éthique commerciale (plus les prix de production sont faibles plus les soldes peuvent être importantes).

De nombreuses méthodes sont à déplorer chez ces nouvelles marques. Entièrement basées sur le commerce en ligne, elles intègrent verticalement toutes les étapes de la production, et en arrivent même à copier les mêmes textes sur plusieurs plateformes de marques.

Elles accélèrent encore les principes de production et de consommation de masse sur lesquelles fonctionnent déjà les géants de la fast-fashion.

En Chine comme en Angleterre, où sont produits les modèles vendus par les enseignes d’ultra fast-fashion, les conditions de travail sont souvent mauvaises, notamment car les chaînes de production fonctionnent quasiment 24 heures sur 24. La maîtrise parfaite des codes de « l’influence » notamment sur Tik Tok accentue le problème car elles ciblent directement les jeunes consommateurs au pouvoir d’achat faible, avec la force de frappe que l’on connaît des réseaux sociaux.

Ainsi, ces marques apparaissent en opposition radicale avec les marques qualifiées de « slow fashion » qui tentent depuis plusieurs années d’alerter sur les dangers d’une telle surproduction dangereuse pour l’environnement. Cette époque à deux vitesses est pour le moins paradoxale : une partie des consommateurs et des acteurs de l’industrie de la mode tentent de comprendre les enjeux environnementaux et les dangers de la surproduction quand une autre partie reste très orientée prix et consommation jetable.

Un point n’est pas à sous-estimer : les marques responsables fonctionnent souvent avec des budgets bien plus faibles que les marques de fast-fashion qui tablent sur des coûts de production minimes et des marges très importantes. Elles disposent donc d’une force de frappe extrêmement puissante et peuvent investir en influence et communication sans compter.

Mauvaise compréhension des enjeux par les consommateurs et les marques, faiblesse du pouvoir d’achat face à la crise, manque de législation aux échelles nationale et mondiale, la mode a encore bien du chemin à parcourir... Nous continuons d’avancer pas à pas !

Sources :

Les Secrets de la Mode, Yann Kerlau
lemonde.fr
Arte : Fast-fashion, les dessous de la mode à bas prix

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